C’était il y a 60 ans : six pays européens que tout ou presque dans le passé avait opposés signaient le Traité de Rome, ou plutôt les Traités car à côté de celui créant ce qu’on appelait alors le « marché commun » était conclu un autre texte sur l’Euratom coordonnant l’utilisation du nucléaire à des fins civiles. Un seul regret à l’époque : le refus du Royaume-Uni de se joindre à l’aventure…
L’acte officiel signé dans la ville éternelle n’était pas le premier pas, mais il représentait l’avancée la plus radicale vers une union étroite entre partenaires : ne l’oublions pas, on avait signé 5 ans plus tôt, à Paris cette fois, un texte fondateur, celui de la CECA (Communauté Charbon Acier). Et le plus spectaculaire dans cette deuxième étape était sans doute le fait qu’elle intervenait à peine 4 ans après l’échec de la CED (Communauté Européenne de Défense), dont beaucoup avaient dit qu’il était le coup de grâce à l’Europe en gestation ! De quoi relativiser les propos alarmistes et les scepticismes d’aujourd’hui !
Ces signatures cérémonieuses n’étaient que la partie visible d’un infiniment plus vaste iceberg : l’enjeu était rien moins que de réconcilier ceux que tout avait, de 1939 à 1945, plongés comme coupables ou comme victimes dans les plus horribles pratiques et les plus inacceptables agissements. De quoi aussi constater que, depuis le 8 mai 1945, l’Europe vit la plus longue période de paix de son histoire. Nous n’avons pas seulement appris à vivre ensemble, nous avons réussi à œuvrer ensemble, et ce n’est qu’un début. A n’en pas douter, les pères fondateurs de cette CEE d’alors auraient aujourd’hui de quoi se frotter les mains, eux qui étaient tous des anciens de 1914-1918.
Mais ces Traités, aussi solennels soient-ils, n’étaient en fait qu’un commencement : d’autres politiques, d’autres coopérations, d’autres partenaires sont venus se joindre à la marche en avant. Et ce n’est pas le Brexit qui contredira l’éclatant succès de cette Europe. Car d’ici à ce que Londres sorte effectivement, et seule ou avec une partie seulement des composantes du Royaume-Uni, il risque de couler beaucoup d’eau sous les ponts et de discours à Westminster. De la scène de ménage au divorce, le chemin est long et pourrait bien s’avérer dissuasif, pas uniquement pour des questions d’argenterie.
Cette Europe du Traité de 1957 est d’abord un cadre que chacun remplit ensuite selon ses moyens et ses enthousiasmes. Au moins aussi fondamental aura été le Traité franco-allemand de 1963, scellant fermement l’amitié retrouvée entre ennemis héréditaires de trois conflits en un siècle. Voilà pourquoi nous devons nous rappeler et rappeler autour de nous que dans le moindre échange avec des partenaires d’outre-Rhin, dans la moindre exposition, dans le plus infime accueil de jeunes, de sportifs, d’artistes, d’élus il y a un peu de cette main tendue à travers l’histoire. Pour que les ardeurs balayent les rancœurs et que les regrets d’hier fassent place aux progrès de demain. Nous le devons à nos enfants autant qu’à nos arrière-grands-pères !
Philippe Tabary.
Ancien journaliste, Philippe Tabary a été pendant 35 ans fonctionnaire européen jusque fin 2014 à la Commission européenne à Bruxelles (Direction Générale de l’Agriculture) au carrefour de l’information agricole et des relations avec les milieux professionnels. Désormais à l'honorariat, il se consacre à ses activités d'écrivain, de conférencier, de chroniqueur tout en militant au Mouvement européen, à la Maison de l’Europe de la Grande Thiérache et dans le monde associatif et caritatif (Association des Paralysés de France). La Maison de l’Europe de la Grande Thiérache fait partie de l’URAFA Nord-Est pour l’Europe et de la Fédération des Associations Franco-Allemandes pour l’Europe.
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Ancien journaliste, Philippe Tabary est administrateur principal à la Commission européenne à Bruxelles (Direction Générale de l'Agriculture) au carrefour de l'information agricole et des rela...